Les inter : coopérations, différences,
contaminations et transversalités

Musée des Beaux-Arts de Lyon, 18 octobre 2022

Présentation de l’atelier

Comment « faire ensemble » ? Les professionnel·le·s des « métiers de la relation », dans la diversité de leurs secteurs d’intervention – animation socio-éducative, enseignement, social, médico-social, médiation culturelle… – évoquent régulièrement l’intérêt de mener des projets permettant le partage des méthodes de travail, le croisement des participant.es et l’implication de professionnel·les issu·es de différents horizons. Pour sa part, le RAM−C expérimente depuis une quinzaine d’années le concept de « médiations croisées ». Quels sont les objectifs ? Existe-t-il des préalables ? Peut-on identifier des bonnes pratiques ? Où se situent les difficultés ? L’atelier questionne les enjeux politiques, institutionnels, professionnels soulevés par les pratiques multipartenariales et transdisciplinaires.

Sous-thématique – inter-disciplinarité / inter-partenariat / inter-relation – inter-disciplinarité / inter-partenariat / inter-relation : quand 15 acteurs socio-culturels se réunissent pour accompagner 15 collégien-ne-s pendant une année scolaire »

Animation

Marie Évreux, co-responsable du développement culturel à l’Opéra national de Lyon

Rapporteuse

Virginie De Marco, responsable de la médiation numérique, Numelyo (Bibliothèque municipale de Lyon)

Intervenantes

– Alice Rouffineau, responsable des projets d’action culturellle, Le Périscope (scène de musiques actuelles), Lyon
Sarah Chevrot, chargée de mission « Culture et précarité » et coordinatrice du pôle « Culture pour tous », Mission Lyon pour l’emploi

Déroulement de l’atelier

Séquence 1 – Ce qui nous relie, ce qui nous distingue

En guise d’échauffement, l’atelier a démarré en constituant des binômes de participants qui ne se connaissaient pas et qui ont cherché un point commun et une différence dans leurs parcours, leurs préoccupations, leurs cultures professionnelles puis les ont restitués en grand groupe.

Séquence 2 – Présentation d’un projet d’« inter », en l’occurrence « Alliance éducative »… ou quand quinze acteurs et actrices se réunissent pour accompagner quinze collégiens et collégiennes pendant une année scolaire. Porté conjointement par le Périscope et le pôle « Culture pour tous », ce projet avait retenu l’attention du comité d’organisation du colloque, car il est une illustration très éloquente des questions que pose la coopération. Ce n’est ni un projet exemplaire, ni un projet raté.

Le projet « Alliance éducative » a pour objectif d’ouvrir des horizons et de permettre de retisser des liens avec des jeunes en décrochage scolaire, sortis de tous les dispositifs. Il réunit, sous l’impulsion du pôle « Culture pour tous », une quinzaine d’acteurs éducatifs et culturels pendant un an pour proposer des temps de découverte et de pratique artistique.

Les participants, quinze collégiens scolarisés dans le quartier de Perrache, sont à la fois « invisibles » du fait de leurs absences dans l’institution scolaire et bien repérés en raison de leur comportement problématique à l’échelle du quartier. Le projet est, dans un premier temps, le fruit d’une discussion entre Sarah Chevrot (Culture pour tous) et un membre de l’équipe éducative du collège. La connaissance préalable de l’établissement et d’un interlocuteur au sein de celui-ci ont été déterminants pour amorcer un échange sur la possibilité de faire un détour par la pratique artistique et culturelle afin de tenter de relier les jeunes à leur environnement autrement que dans le conflit.

Sarah Chevrot a ensuite proposé à des acteurs culturels du quartier de contribuer au projet, en commençant par le Périscope, salle de musiques actuelles bien implantée dans le secteur de Perrache, notamment grâce au travail d’action culturelle mené depuis plusieurs années par Alice Rouffineau. Cette dernière a alors proposé de développer un projet de création musicale qui mobilisera le groupe pendant de nombreuses séances, avec la collaboration de musicien.nes des Buttshakers, et qui prendra la forme finale d’un clip vidéo, présenté au Périscope à la fin du projet.

D’autres acteurs sont associés au projet, ce qui a permis :

  • d’une part, de multiplier les découvertes artistiques et culturelles, notamment avec la création d’un parcours de spectateur (Bibliothèque municipale, MJC, musée des Confluences, Centre d’histoire de la Résistance et de la Déportation, Archives municipales de Lyon, salle de spectacles Le Radiant, etc.) ;
  • d’autre part, de mobiliser de nombreux acteurs et actrices du quartier aux démarches et aux regards complémentaires (conseiller principal d’éducation et assistant d’éducation du collège, éducateurs de prévention spécialisés, médiatrices et médiateurs culturels, etc.).
 

La première édition du projet s’est déroulée pendant l’année scolaire 2021-2022 et la crise sanitaire en a compliqué la réalisation, notamment en raison des décalages entre les règlements et contraintes sanitaires et la réalité de terrain.

Sarah Chevrot et Alice Rouffineau ont ensuite partagé leurs réflexions sur le projet « Alliance éducative » et ont notamment fait part des enjeux, plus structurels, qu’ont relevés les partenaires.

S’agissant de la question de la coopération, les échanges ont permis d’identifier les différents points suivants :

  • la nécessité d’avoir un encadrant jouant pour les jeunes le rôle de « fil rouge » : dans le cas du projet « Alliance éducative », un éducateur a ainsi pris ce rôle en cours de projet ;
  • l’importance du travail de coordination, coûteux en temps mais gérable grâce au partage d’outils de suivi partagés entre tous, structures et intervenant.es ;
  • la pertinence de s’autoriser à définir aussi bien des objectifs communs à l’ensemble des partenaires que des objectifs propres à certains d’entre eux ;
  • le nombre de partenaires investis et l’interconnaissance, qui permettent de se projeter dans un engagement long et régulier et de respecter les différences de regard et d’approche ;
  • la nécessité de se forger une culture commune, notamment par le biais de la formation ;
  • l’importance d’obtenir l’adhésion et le soutien des tutelles : le projet « Alliance éducative » a, par exemple, été réalisé dans le cadre de la Charte de coopération culturelle de la Ville de Lyon.
 

Séquence 3 – Les participant.es se sont ensuite répartis en sous-groupes pour travailler autour de quatre questions vives des inter, que résument les quatre mots-clés de partenariat, lieu, relation et esthétique.

Synthèse des deux demi-journées

À l’issue de la restitution des quatre sous-groupes, des questionnements communs ont émergé :

– le partenariat est envisagé comme le fruit de nombreux pré-requis : la confiance mutuelle, le partage d’objectifs et de valeurs, le temps nécessaire à la co-construction, la mise en question de rapports de domination, la reconnaissance de la légitimité, la mutualisation des savoirs et des moyens…

    On se demande… : à quelles conditions (politiques) peut-on créer un consensus, s’abstraire     des injonctions à gagner du temps et de l’argent… et agir en complémentarité ?

– le lieu est pensé dans une dimension dynamique : l’aller-retour, pour une mobilité égalitaire, est non négociable pour un projet réussi. Le mouvement n’est pas pensé comme une perte de temps, mais revendiqué comme un enrichissement, un moment privilégié pour entrer dans le temps de la relation – à condition qu’il soit anticipé afin de permettre d’en gérer les contraintes matérielles.

    On se demande… : dans quelle mesure la prise en compte des allers-retours entre les lieux     (géographiques, institutionnels, intellectuels…) dans un projet culturel favorise des     possibilités d’ailleurs (imaginaires et territoriaux) ? En quoi le déplacement (physique et     intellectuel) est-il générateur de transformation de soi et des autres ?

– la relation est abordée sous l’angle de sa nécessité. Par essence, la relation existe sur de multiples terrains où se déploient autant d’enjeux : en interne – de manière horizontale ou hiérarchique –, avec des partenaires, avec des tutelles. Elle est entendue comme la possibilité de faire évoluer le cadre et les objectifs que l’on se donne en commun. Elle suppose donc de prêter de l’intelligence à l’autre pour accepter d’être en désaccord, sans être dans le conflit, et de créer les conditions de la discussion.    

    On se demande… : quelles sont les conditions qui permettent la relation ?  

– la diversité des esthétiques et leurs croisements sont revendiqués comme un apport essentiel à la fabrication de projets faisant la part belle à l’écoute, l’altérité, la diversité. L’interdisciplinarité est un moyen de construire un commun culturel, mais suppose de la flexibilité, du respect, de l’adaptabilité.

    On se demande… : avec quels présupposés et dans quel but l’interdisciplinarité est-elle     utile à la coopération ? Comment ne pas s’excuser d’être ce que l’on est tout en étant     ouvert à l’autre ?